esclavage

D’esclaves à citoyens

Le Président Jacques Chirac avait fixé par décret du 31 mars 2006 la Journée nationale des mémoires de la traite et de l’esclavage et de leurs abolitions, le 10 mai. Cette année 2021 est l’occasion de commémorer les vingt ans de la « loi tendant à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité », dite « loi Taubira ». Par ailleurs, les commémorations du bicentenaire de la mort de Napoléon ont permis de rappeler, côté ombre, que l’Empereur avait annulé les conquêtes bienfaisantes de 1791, 1792 et 1794.
Le Comité Carnot souhaitait donner un écho à ce vingtième anniversaire de la loi Taubira et en même temps retracer le cheminement juridique emprunté par les législateurs de la Révolution puis ceux de la seconde République, en 1848, pour faire voter l’abolition de l’esclavage.
Car au cœur de cette abolition, domine la notion essentielle de citoyenneté ; au fil des régimes politiques, durant un peu plus de cinquante ans, sa limitation, sa suppression, son accessibilité ou sa réaccessibilité vont conditionner la réelle liberté dont disposent les hommes de couleur…au point qu’après 1848 le « choix de la liberté sans citoyenneté sera étendu à toutes les nouvelles conquêtes coloniales de la seconde moitié du XIX e siècle », écrit Frédéric Régent *. Historien spécialiste de l’esclavage dans les colonies françaises sous l’Ancien régime et la Révolution, il a réalisé pour le Comité Carnot une étude dont vous trouverez le lien ci-dessous :

Préjugé de couleur, esclavage et citoyenneté dans les colonies françaises (1789-1948)
À lire aussi sur : https://journals.openedition.org/lrf/1403

Reconnaissant que « l’esclavage et le préjugé de couleur sont les socles des sociétés coloniales », il définit le périmètre de la citoyenneté, et cerne la problématique des discriminations qui constituent un ensemble appelé le préjugé de couleur. Pour mieux comprendre ces articulations entre citoyenneté et préjugé de couleur, et pour éviter le débat réducteur entre maîtres et esclaves, Frédéric Régent place au centre de son exposé l’appartenance des affranchis et de leurs descendants, ceux qu’on nomme les « libres de couleur ». Ils ont joué un rôle déterminant dans le combat pour la représentativité et l’admission à la citoyenneté et ont su trouver un allié précieux à Paris, en l’Abbé Grégoire et la « société des amis des Noirs ».

* Frédéric Régent – Maître de conférences et directeur de recherche – École d’histoire de la Sorbonne Institut d’Histoire Moderne et Contemporaine – (UMR 8066, CNRS, ENS, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne) – Institut d’Histoire de la Révolution Française (fondé par Jean Zay en 1937)