Un nouvel équilibre dans la gouvernance des institutions françaises

L’Observatoire de la vie politique et parlementaire et le Comité Carnot, en partenariat avec l’Association Experts-comptables et mandats publics, qui a assuré l’accueil et la logistique, ont tenu le 9 septembre 2022 un colloque sur les perspectives institutionnelles et de gouvernance ouvertes par les dernières élections présidentielle et législatives.

Ces échanges, introduits par Denys Pouillard et conclus par Danièle Lamarque, ont associé universitaires, élus, hauts fonctionnaires, responsables d’instituts de sondage et journalistes. Le replay est disponible sur le site de l’Association ECMP.
L’Assemblée nationale issue des dernières élections présente une configuration inédite : perte de la majorité absolue pour le gouvernement, forte chute de la participation (347 députés élus par moins de 25% des inscrits), place accrue des femmes aux postes de commande, nouvelle composition sociologique assortie d’une précarité accrue des mandats politiques… Le rééquilibrage au bénéfice du Parlement, et tout particulièrement du Sénat, « ignoré » lors de la précédente législature, est patent. Le débat parlementaire n’en est pas enrichi pour autant : déséquilibré par le retour de l’idéologie, entravé par la multiplication des recours aux procédures d’obstruction, même si l’essentiel demeure d’avoir la majorité en séance, il se trouve aussi accompagné (concurrencé ?) par de nouveaux modes de consultation comme le Conseil National de la Refondation. Notre pays, qui n’a pas la culture du compromis, ne parvient pas à dépasser le catéchisme de la culture majoritaire, ce qui augure mal d’un éventuel passage à la représentation proportionnelle. 

La fragilité de la démocratie représentative est patente : seconde législature à appliquer le non-cumul, cette Assemblée profondément renouvelée compte seulement 66 députés (12%) ayant siégé avant 2017. Or la crise de la représentativité affecte la légitimité symbolique du mandat et sape l’a priori de confiance accordé au député, dans un contexte de grande dévalorisation des partis politiques particulièrement marqué en France, selon l’Eurobaromètre.

La démocratie a déserté le débat politique général pour s’aimanter à un nouveau pôle, focalisé sur la personne du Président de la république et les réseaux sociaux, dans un climat de défiance, voire de dénigrement, qui révèle un malaise social profond. Les citoyens se sentent de plus en plus abandonnés, voire méprisés. Il est plus que temps de s’occuper des gens et de déployer les politiques qui touchent leur vie quotidienne et prennent en compte les problèmes de leurs territoires. Il ne devrait plus être possible de légiférer sans associer les collectivités locales, mais les élus locaux de leur côté doivent cesser d’attendre tout de l’État. On n’a pas besoin d’une nouvelle étape de décentralisation : les initiatives menées dans les villes moyennes montrent qu’on peut améliorer le vivre ensemble sans encadrement règlementaire lourd. C’est à partir des territoires qu’il faut reconquérir le pouvoir et rebâtir la démocratie.

Danièle Lamarque, présidente du Comité Carnot

Intervenants :
Jean-Philippe Derosier, professeur d’université à Lille II – Christine Lavarde, sénatrice, vice-présidente de la commission des finances – Jean-Daniel Lévy, directeur de l’Institut Harris – Benjamin Morel, maître de conférence à Paris II – Rollon Mouchel-Blaizot, préfet, directeur de la mission « Cœur des villes » – Christian Pierret, avocat, ancien ministre (Industrie 1997-2002) – Emmanuel Rivière, directeur de l’Institut Kantar – Patrick Roger, journaliste (ex Le Monde)