Assemblée

Élections municipales 2020

6 juillet 2020 l Denys Pouillard – Observatoire de la vie politique et parlementaire

NOTE JOINTE AU TABLEAU DES DEPUTES CANDIDATS AUX ÉLECTIONS MUNICIPALES (PDF)

Le nombre de députés élus municipaux, départementaux ou régionaux juste au dessus de la barre des 40 % (40,7 %)!

Le procès de non représentativité des collectivités territoriales, souvent intenté aux députés depuis juin 2017, se poursuit également  par un procès pour incompétence pas toujours justifié ; or la représentation nationale à l’Assemblée comptait quand même 229 élus municipaux (dont 10 avec cumul d’un mandat cantonal) à la veille des élections municipales du 15 mars dernier, 40 conseillers départementaux hors cumul et 42 conseillers régionaux…soit 311 députés (plus de la moitié de l’Assemblée nationale !)

Cependant les résultats des élections municipales des 15 mars et 28 juin sont venus bousculer cette proportion et affaiblir encore plus la représentation des élus locaux au Palais Bourbon…ceci à quelques semaines de débats concernant les collectivités – projet 3D – et d’autres initiatives en matière de dérogation, simplification ou expérimentation !
Jusqu’en juin 2017, le Parlement jouait un rôle d’entrainement, de régulation et d’amortisseur pour tout ce qui concernait les réformes des institutions  locales, les finances des collectivités, la répartition des compétences. Les députés-maires et les sénateurs-maires y apportaient – outre leur savoir de gouvernance – les stratégies d’aménagement, mais aussi les ressources pour trouver les équilibres entre milieux urbains et espaces plus désertés par les populations actives.
En juin 2017 et sans que le Gouvernement actuel ou le nouvel Exécutif y soit tenu responsable, s’appliquait pour la première fois le non cumul des fonctions exécutives locales et l’exercice d’un mandat parlementaire :

– le premier effet de cette loi votée en début du quinquennat Hollande produisit d’abord un désintérêt pour des candidatures aux élections législatives de députés sortants qui préféraient conserver un mandat de maire ou de président d’epci, voire plus rarement de présidence de région ou de département ; il s’en suivit également pour un nombre non négligeable de nouveaux députés élus maires en 2014 ou de députés sortants également réélus lors des précédentes élections municipales, une mise à niveau en conformité avec la loi et donc la transmission de leur écharpe de premier magistrat à un successeur.

Rappel – mai et juin 2017 – pour les députés maires et adjoints

Pour la République en marche : 41 maires et 24 adjoints
Pour le Modem : 12 maires et 8 adjoints
Pour des formations du Centre et LR en rupture : 10 maires

A LR, UDI et DLF: 56 maires et 17 adjoints
Au Parti communiste : 6 maires et 2 adjoints
Au Parti socialiste : 9 maires et 1 adjoint
En Corse : 1 maire et 1 adjoint
A l’extrême droite : 3 adjoints
Soit une représentation à peu près équilibrée – ce qu’on a manqué de signaler à l’époque – entre la majorité et l’opposition (63 maires pour la majorité et 72 pour l’opposition ; 42 adjoints dans la majorité et 24 pour l’opposition). Parmi ces 201 députés redevenus simples conseillers municipaux, nombreux sont ceux qui ont préféré, par la suite, un non cumul « sec ».

Autre constat à l’époque qu’il est utile de rappeler aujourd’hui mais que l’on a entièrement gommé au lendemain des élections législatives : Emmanuel Macron n’était arrivé en tête au premier tour que dans 52 villes dont le maire ou un adjoint allait devenir député !! (36 villes pour Fillon…21 duo Mélenchon-Le Pen ou Le Pen-Mélenchon !)

– le second effet est la translation opérée de fait des interlocuteurs de l’Exécutif  en matière de décentralisation et de toute action publique concernant les collectivités.
Ainsi les cinq associations principales de maires, de métropoles et d’intercommunalité et les associations des présidents de région et de département (où ne siégeaient plus de parlementaires) se sont trouvées dès août 2017 au centre du nouveau dispositif de construction et de dialogue avec le Gouvernement et singulièrement avec le Président de la République. Dialogue fermé, devenu rapidement politisé, et feu attisé par le président du Sénat, porteur de la « parole des territoires ».
Pour la première fois dans l’histoire pourtant riche en initiatives décentralisatrices sous la Vème République, l’Assemblée nationale cédait le pas aux corps intermédiaires…faute de suffisamment de combattants.

Pire aujourd’hui !

Aux 105 députés élus ou réélus le 15 mars, se sont joints 61 autres le 28 juin : nous sommes donc très loin des 229 députés conseillers sortants ! Un recul très net de plus d’une soixantaine de titulaires (63 exactement) et donc une « représentativité territoriale » à un peu moins de 240 (35 conseillers départementaux et 34 conseillers régionaux – compte-tenu de démissions à venir de l‘un de ces mandats pour des députés nouvellement élus conseillers municipaux), soit 40,5 % de l’Assemblée au lieu de 54 % actuellement !

Tous ne partaient pas avec la même ambition : parmi les 271 candidats, 38 se trouvaient en fin de liste ou dans le dernier quart  en position inéligible.

Certaines défaites dès le premier tour furent cinglantes :
– 22 battus dont 10 conseillers sortants (leur liste n’a pas été admise à la répartition des sièges ou ne peut prétendre à être présente au second tour – Danièle Hérin, Jean-Luc Lagleize, Patrick Vignal, Richard Lioger…) ; mais aussi certain(e)s député(e)s  qui tentaient d’acquérir un mandat municipal (Monica Michel, Catherine Racon-Bouzon, Laurene Maillart-Méhaignerie, Fabienne Colboc,  Aina Kuric, Ludovic Mendès, Valérie Petit, Raphaël Gauvin, Michèle Crouzet, Laëtitia Romeiro-Diaz… ; des changements de communes risqués et perdus pour Alain Peréa, Sandrine Josso
– 11 n’ont pas été élus (de justesse, au demeurant) bien que leur liste ait eu des élus classés opposition ou minoritaires

– 105 députés élus dès le premier tour dont 29 au scrutin plurinominal (communes de moins de 1000 habitants) ; à noter que parmi ces 29 députés élus au scrutin majoritaire, 20 l’ont été au plus faible pourcentage, à l’avant dernière ou  dernière place.
– second tour, le 28 juin pour 86 députés (à l’exclusion de ceux en position non éligible) ; certains ont abandonné sur les 97 initialement  pressentis pour le second tour, comme Bruno Joncour (cinquième sur une liste arrivée en second) ou Frédérique Lardet (tête de liste arrivée au troisième rang  le 15 mars) ; d’autres bien « placés » se sont d’eux-mêmes déclassés, à l’exemple de Régis Juanico, troisième sur une liste arrivée en second et qui a choisi une 61ème place en situation inéligible ; certains défaits comme Bruno Bonnell à Villeurbanne et à la métropole de Lyon ou Laurent Saint-Martin, Barbara Pompili, Anne-Christine Lang

Le second tour a fini par éliminer certains sortants : Sandra Marceau, Liliana Tanguy, Catherine Kamowski,  Sylvain Maillard, Pacôme Rupin, Buon Tan, Fabien Matras ; ou d’autres qui en allant chercher des communes plus conformes à leur action n’ont pas gagné au change pour autant comme Anne Brugnera,  Pierre Henriet.
D’autres sortants découvrent l’opposition communale : Christophe Jerretie, Eric Alauzet, Nicolas Meizonnet, Stéphane Peu ; ou l’opposition minoritaire, Marietta Karamanli.
Le sort des urnes n’a pas souri à des députés particulièrement du groupe majoritaire qui tentaient leur première élection locale  : Jean-Philippe Ardouin, Philippe Berta, Huguette Tiegna, Dimitri Houbron, Brigitte Liso, Stanislas Guérini, Mounir Mahjoubi, Laëtitia Avia, Cédric Villani, Sacha Houlié, 

Ils réussissent à moindre frais et entrent pour la première fois dans un conseil municipal

Michèle Victory, Anne-Laurence Petel, Olivier Falorni, Annaïg Le Meur, Gisèle Biémouret, Emilie Chalas, Sarah El Haïri, Yannick Haury, Valérie Oppelt, Stéphanie Rist, Sonia Krini, Carole Grandjean, Christine Hennion, Nathalie Bassire, Nadia Ramassamy

Mais il y aussi des heureux…

La présidente de la commission des lois, Yaël Braun-Pivet qui entre au conseil municipal du Vésinet.
Rémy Rebeyrotte, ancien maire socialiste d’Autun en 2014 qui passe en 2017 à la Rem ; que va faire cet ancien électorat socialiste en 2020 ? Au premier tour la liste du maire sortant est devancée…et au second tour, l’ancien maire, cinquième sur la liste, saute un cran et revient dans la majorité municipale. Bel exploit, rare pour l’ensemble de l’Assemblée et encore plus rare pour sa formation politique ! A la Rem, il y aussi Yves Blein et Thomas Rudigoz élus à la métropole de Lyon.
Bernard Deflesselles à la Ciotat, Valérie Boyer et Guy Tessier qui ne quittent pas la majorité municipale de leurs arrondissements à Marseille, Paul-André Colombani à Zonza, Jean-François Portarrieu à Toulouse, Aude Luquet à Melun, Emilie Guérel à Bandol, Isabelle Florennes à Suresnes (sur une liste Dvd dissidente), Laurianne Rossi à Montrouge.

Le hiatus démocratique des têtes de liste élues maire ou en passe de l’être

Le cumul d’un mandat parlementaire et d’une fonction exécutive locale est interdite. Or 15 têtes de liste majoritaire ont été élues au premier tour et onze au second; mais ces députés bénéficient d’un avantage important : une fois l’élection de la liste acquise, ils ne sont pas obligés d’être candidat, lors de la première réunion du conseil municipal, pour exercer la fonction de maire ; ainsi Julien Dive, Olivier Marleix, Philippe Vigier, Fabien Lainé, Stéphane Demilly, Emmanuel Maquet ont laissé leur écharpe à ceux qui assuraient l’intérim depuis août 2017 ;  Les suppléants de ministres Stéphane Baudu, Fabien Lainé reprendront ils les mairies respectives de La Chaussée Saint-Victor et Sanguinet plus tard ? Michèle Tabarot a déclaré aller d’abord jusqu’au bout de son mandat parlementaire, soit, en principe 2022.
Puis il y a six députés qui ont fait le choix de privilégier la fonction de maire, après leur victoire au premier tour :
Francis Vercamer, Laurent Furst, Patrice Verchère, Christophe Bouillon, Valérie Lacroute et Luc Carvounas.
Enfin le  cas d’Olivier Gaillard qui avait déclaré bien avant les élections municipales sa démission  de l’Assemblée nationale ; il a été élu maire de Sauve au conseil municipal du 26 mai…et trente huit jours après, le mandat de député n’est toujours pas clos.

Nouveaux députés 2020-2022

Au soir du 28 juin, treize député(e)s têtes de liste étaient élu(e)s : Sébastien Leclerc à Lisieux, Gilles Lurton à Saint-Malo, Jean-Charles Taugourdeau à Beaufort-en-Anjou, Laurent Garcia à Laxou, Joachim Pueyo à Alençon, Daniel Fasquelle au Touquet, Ludovic Pajot à Bruay-La-Buissière, Louis Alliot à Perpignan, Eric Strauman à Colmar, Jean-Louis  Masson à La Garde, Franck Marlin à EtampesErika Bareigts à Saint-Denis de la Réunion, Huguette Bello à Saint-Paul.
Leurs suppléants à l’Assemblée nationale ont un mandat local (voire une fonction de maire renouvelée pour trois d’entre eux) à l’exception d’une seule suppléante.  


La loi permet au suppléant de devenir député , sans risque de « partielle » ! Reste que ce choix « multicarte » échappe totalement à l’électeur et constitue un hiatus démocratique et… rares sont les députés qui les avertissent de leur choix définitif lors de leur campagne électorale.
Partielles : il peut même arriver que le suppléant soit lui-même entrainé dans la spirale du cumul simple ou du cumul de fonction exécutive (le cas pour Bastien Coriton, suppléant de Christophe Bouillon) et dernière surprise de taille, que la profession du suppléant  soit devenue incompatible avec le mandat de député, auquel cas il y a « partielle »…ce sera le cas à Alfortville dans le Val-de-Marne pour succéder au siège de Luc Carvounas.