evaluation acteurs publics

Évaluer est aussi important que légiférer

4 novembre 2020 l Danièle Lamarque – Présidente de la Société européenne d’évaluation

L’évaluation des politiques publiques est dans l’actualité : les deux rapports du Conseil d’Etat et de l’IGA, relayés par les Rencontres des acteurs publics des 12 et 13 octobre et le numéro de la Revue publié fin novembre, ne laissent rien ignorer de la situation de l’évaluation en France et du rôle de ses différents acteurs.

Qu’en est-il au Parlement ? Laurent Saint Martin, rapporteur général du budget et de la Mission d’évaluation et de contrôle de la commission des finances à l’Assemblée nationale, rappelle l’importance de l’évaluation dans le travail parlementaire, les avancées du Printemps de l’évaluation, et les étapes qui restent à franchir pour faire de l’évaluation un outil de la transformation publique, et de l’efficacité de la dépense publique un véritable enjeu démocratique.

Les parlements sont souvent dans le monde des acteurs faibles de l’évaluation, celle-ci étant plus ou moins institutionnalisée selon le poids politique des assemblées, leur proximité avec l’exécutif, ou le statut de l’opposition. L’évaluation est plus développée dans un régime parlementaire ou dans un pays comme les Etats Unis où le pouvoir législatif peut basculer en totalité dans l’opposition.

Qu’en est-il au Parlement français ? Quelles avancées récentes, quelles étapes à franchir encore pour inscrire l’évaluation au cœur des deux axes de la fonction parlementaire, la fabrique de la loi et le contrôle de l’exécutif ?

La faiblesse du dispositif d’évaluation parlementaire, marqué notamment par les carences de la procédure des études d’impact des lois, l’application encore timide des expérimentations et des clauses de révision, et l’inscription insuffisante des évaluations ex post dans le processus de construction des politiques publiques, est relevée dès le début de la législature par plusieurs rapports parlementaires, de Valérie Petit et Pierre Morel-A-L’Huissier, et du groupe de travail présidé par Jean-Noël Barrot. Ce dernier institue le Printemps de l’évaluation, qui a eu sa deuxième édition, plus étoffée, en 2020. L’examen de l’exécution du budget, traditionnellement négligé, devient un temps de débat et de rendez-vous avec l’exécutif.

C’est une première étape dans un processus encore inachevé, mais qui met en évidence la dimension politique nouvelle de l’évaluation, dont des députés comme Charles de Courson ont régulièrement déploré l’absence. L’exigence des citoyens pour une action publique plus efficace s’est accrue, leur demande d’être mieux associés à sa définition se fait plus pressante. Quelle que soit leur commission d’appartenance, ni les députés ni les sénateurs ne peuvent plus ignorer l’évaluation.

Aller plus loin suppose des évolutions dans les textes parfois, l’organisation et les procédures souvent, la culture à coup sûr. Si l’évaluation relève de la fonction de contrôle du Parlement, elle se distingue du contrôle proprement dit (le « pilonnage » dénoncé par Richard Ferrand) par ses méthodes et ses finalités ; quant au contrôle politique, invoqué par Gérard Larcher, l’évaluation concourt à préparer, par son expertise, l’organisation du débat démocratique.

Pour inscrire réellement le travail parlementaire dans le cycle vertueux de l’évaluation, selon Laurent Saint Martin, il faut encore rationaliser le dispositif d’évaluation parlementaire, porté par diverses instances ; mieux l’articuler avec l’expertise de la Cour des comptes (notamment l’article 58-2 de la LOLF), dans un objectif plus explicite d’efficacité de la dépense et de transformation publique ; et l’élargir à une dimension transversale de l’évaluation.

Il y a bien d’autres pistes encore, qui ne relèvent pas toutes du Parlement lui-même, mais qui soulignent les enjeux de l’évaluation pour les années à venir, en termes de disponibilité et de qualité des données, de relation à la communauté académique, de définition des rôles respectifs des acteurs, d’organisation et de dévolution de la fonction d’évaluation, et enfin et surtout d’évaluation des politiques partagées entre l’Etat et les collectivités locales.