Le débat organisé le 8 juillet par l’Observatoire de la vie politique et parlementaire, en partenariat avec le Comité Carnot, offre de nouvelles clés pour comprendre l’abstention qui a marqué les élections régionales et départementales. Il est disponible en replay :
Les regards croisés de chercheurs en sciences politiques, droit public et géopolitique et d’un professionnel des sondages * invitent à revisiter les notions qui structurent traditionnellement nos analyses de la vie politique.
Les partis tout d’abord : ils ne signifient plus grand-chose pour les citoyens, les sondeurs le constatent, pas seulement du fait d’un désintérêt, voire d’une méfiance envers toute forme d’institutionnalisation de la politique, en France comme ailleurs ; plus profondément, le clivage gauche/droite, sans disparaître totalement, se décale (et se décline) en diverses nuances qui vont du progressisme à des formes plus ou moins autoritaires ou réactionnaires du conservatisme ; on peut être ainsi de gauche et réactionnaire, conservateur et progressiste. Les coalitions gouvernementales en usage dans nombre de pays voisins (certes pas toujours stables…) pourraient nous inspirer pour questionner la capacité des partis à s’accorder sur un projet commun.
La notion même de représentation, on le voit chaque jour, est sur la sellette : revendications croissantes pour des modalités plus participatives de l’exercice citoyen, dont le référendum n’est qu’une des formes ; préférence pour des engagements associatifs ; et à l’opposé, refus du principe même de représentation pour des expressions plus spontanées, voire plus violentes. L’abstention remet-elle en cause la validité, voire la légitimité, de l’élection ? Ou bien confond-on la représentation -toujours légitime dès lors que juridiquement valide- avec la représentativité, voire la ressemblance entre le corps électoral et ses représentants ? D’où le débat récurrent sur la proportionnelle.
Dans ce paysage extrêmement évolutif et brouillé de l’expression citoyenne, où l’absence d’expression est elle-même une forme d’expression, ce débat nous invite à appréhender avec beaucoup d’humilité et de prudence la notion de démocratie : pour ne pas en dévoyer le sens en lui faisant légitimer toute parole issue du peuple ; mais aussi pour faciliter des formes nouvelles de son exercice, en résonance avec les attentes des citoyens ordinaires.
*Bruno Daugeron, professeur de droit public à l’université Paris-Descartes-Sorbonne Paris-Cité ; Jacques Lévy, géographe, professeur à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, spécialiste de géographie politique; Benjamin Morel, maître de conférences en sciences politiques à l’université Paris 2-Panthéon-Assas; Denys Pouillard, directeur de l’Observatoire de la vie politique et parlementaire, délégué général du Comité Carnot, professeur de science politique ; Emmanuel Rivière, directeur international pour les études politiques de l’Institut de sondages Kantar Public.