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Les remplaçants des députés de la XVe législature

16 février 2021 l Denys Pouillard – Directeur de l’Observatoire de la vie politique et parlementaire – Professeur de science politique 

57 suppléants… salariés de leur député et autres curiosités. Quelques bizarreries historiques sous la Ve République 

Référence : base de données de l’Observatoire de la vie politique et parlementaire – Source : site officiel de l’Assemblée Nationale (PDF).

Au commencement de cette étude relative aux remplaçants des députés et sénateurs, qui fait l’objet d’un article publié dans Le Monde, on ne peut oublier de rendre un hommage appuyé au doyen des suppléants, Jean Turco, 103 ans qui fut député de Paris d’août 1972 à avril 1978 en remplacement d’un non moins célèbre parlementaire et ancien ministre, Hubert Germain, dernier Compagnon de la Libération et centenaire depuis août dernier ; un binôme solide qui porte en lui la mémoire combattante de 80 ans de fidélité au général de Gaulle et une part importante de la mémoire de l’Assemblée nationale.  

À  l’occasion de la présente étude, il est nécessaire d’apporter une clarification sur les termes employés : en l’occurrence, il s’agit des députés et sénateurs remplaçants et non de députés-suppléants ; cette distinction est d’autant plus importante qu’il existe des députés désignés ou élus suppléants dans différentes instances (judiciaires, autorités administratives indépendantes…) ou organismes extra parlementaires.  

 La loi du 31 janvier 2018 puis es récents ajustements du code électoral ont permis à compter de juin 2020, pour l’ensemble des fonctions électives relatives aux scrutins majoritaires et dans les dispositions applicables aux membres non élus (« suivants ») des listes représentées dans les scrutins à la proportionnelle, de clarifier le lien entre le candidat et le remplaçant. Ainsi un « formulaire à remplir par chaque remplaçant » a accompagné les déclarations de candidature aux dernières « sénatoriales » de septembre 2020 avec la mention « Accepte de remplacer, en cas d’élection et de vacance de siège » ; de la même manière un formulaire Cerfa de déclaration de candidature aux récentes élections législatives partielles porte la mention « Je choisis comme remplaçant pour les cas prévus à l’article L.O. 176 du code électoral »… et suit une fiche d’identification du remplaçant.  

 L’article LO 176 du code électoral demeure l’article pivot du remplacement des députés (LO. 319 et LO 320 pour les sénateurs) : « Sous réserve du second alinéa du présent article, les députés dont le siège devient vacant pour toute autre cause que l’annulation de l’élection, la démission d’office prononcée par le Conseil constitutionnel en application des articles LO 136-1 ou LO 136-4, la démission intervenue pour tout autre motif qu’une incompatibilité prévue aux articles LO 137, LO 137-1, LO 141 ou LO 141-1 ou la déchéance constatée par le Conseil constitutionnel en application de l’article LO 136 sont remplacés jusqu’au renouvellement de l’Assemblée nationale par les personnes élues en même temps qu’eux à cet effet. Les députés qui acceptent des fonctions gouvernementales sont remplacés, jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la cessation de ces fonctions, par les personnes élues en même temps qu’eux à cet effet. ». 

En simplifiant, on distingue dès lors

– le caractère temporaire du remplacement pour cause d’acceptation de fonctions gouvernementales (un mois après la fin de l’exercice de sa fonction gouvernementale, le parlementaire retrouve à l’Assemblée nationale ou au Sénat son siège que lui rétrocède son « remplaçant ». 

– le caractère permanent du remplacement lorsqu’il s’agit : 

  • du décès du parlementaire ;
  • de la reconduction d’une mission de plus de six mois pour laquelle un député ou un sénateur a été nommé « parlementaire en mission » ;
  • de la nomination d’un parlementaire au Conseil constitutionnel ou désigné Défenseur des Droits ;
  • de la démission du parlementaire s’il est élu membre du Parlement européen ou dans l’autre assemblée législative dont il n’était pas membre ( art. LO 137 et art. LO 137-1) ;
  • de la démission du parlementaire qui privilégie le cumul des mandats (art LO 141) ou le cumul de fonctions exécutives territoriales (LO 141-1).

La recherche d’une identité

Hormis ces cas, le parlementaire-remplaçant, « élu en même temps » que le titulaire, ne peut faire valoir de droits légitimes ; il est « une personne désignée par avance sous condition suspensive et aléatoire… ne détient ni mandat, ni fonction, ni pouvoir» ajoutait Jean-Louis Debré, ministre de l’intérieur, dans sa réponse à une question écrite (n° 44870 JO AN du 11/11/1996). Dit autrement, « seul le député qui exerce son mandat peut se réclamer du titre de député » et le remplaçant « ne dispose aucunement de cette qualité » ; le Conseil constitutionnel, dans une décision du 12 octobre 2012 ajoute « la disponibilité permanente de la personne appelée à remplacer le parlementaire dont le siège devient vacant ».

La question de la présence du député-remplaçant dans les cérémonies locales pose constamment problème ; les préfets se saisissent régulièrement de ce détail protocolaire pour rappeler le droit : « la qualité n’est pas mentionnée dans le décret publié au Journal Officiel relatif aux cérémonies publiques, préséances, honneurs civils et militaires » rappelait un autre ministre de l’Intérieur à l’occasion d’une question orale au Sénat en 2012. 

Les négociations sont permanentes surtout lorsque les parlementaires-remplaçants sont eux-mêmes d’anciens députés ou anciens sénateurs ; d’autres croient s’attribuer – surtout en début de renouvellement des assemblées – les signes distinctifs de la fonction parlementaire en empruntant écharpes ou cocardes… mais rapidement le rappel au droit suffit à calmer les excès de représentation. 

La vie publique d’une circonscription ne peut ignorer, cependant, le rôle du député-remplaçant qui souvent élu local représente également un périmètre géographique ou social complémentaire de manière à « couvrir » une étendue spatiale plus large ou l’association du rural et de l’urbain ou bien la complémentarité générationnelle ou encore – ce qui est de plus en plus fréquent – l’alliance de formations politiques liées au niveau national et local. 

Le parlementaire-remplaçant doit se rendre le plus disponible possible sans savoir nécessairement le sort qui l’attend et à quel moment la « bascule » peut se produire ; d’où une vie souvent inconfortable professionnellement, à l’exception de la garantie apportée dans la fonction publique d’Etat et la fonction publique territoriale ; l’inconfort gagne également la sphère élective car un bon nombre de ces députés virtuels – auxquels les députés réels demandent une présence locale et une responsabilité dans les exécutifs locaux pour y assurer leur influence – jonglent d’une part avec les campagnes électorales locales mais aussi avec les fonctions de maire, président de communauté, de département ou de région au risque de tout perdre de façon brutale et non ordonnée ; c’est ce qui s’est passé après le second tour des élections municipales de juin 2020. 

La course aux mandats et aux fonctions d’un remplaçant… qui, au final, perd tout

Jean-Louis Thiériot est aujourd’hui député de la troisième circonscription de Seine-et-Marne, en remplacement le 15 juillet 2018 d’Yves Jego démissionnaire. Le 5 octobre 2017, Jean-Louis Thiériot, maire de Beauvoir et conseiller départemental depuis 2015, avait été élu premier vice-président du conseil départemental de Seine-et-Marne en remplacement du député Jean-François Parigi ; puis président du conseil départemental, le 22 mars 2018, après le décès de Jean-Jacques Barbaux ; à peine quatre mois plus tard, le 15 juillet 2018, il devient député… et quitte la présidence du conseil départemental ! 

Cette revendication d’identité est rappelée à chaque législature. En 2017, les travaux de la Conférence des réformes pour une Nouvelle Assemblée nationale avait insisté pour « conforter le rôle de représentation des suppléants des députés » (proposition n° 3) ; le groupe de travail, présidé par la députée Virginie Duby-Muller relevait qu’il serait laissé à la loi organique le soin de préciser le cadre juridique mais qu’une réforme constitutionnelle de l’article 25 permettrait déjà de répondre à une demande fréquente en y ajoutant « le remplacement du député en cas de congé maladie et de congé maternité ». Dans les objectifs recherchés, le groupe de travail plaide aussi pour que cette personne élue en même temps que le parlementaire puisse être « autorisée à arborer les insignes du député. Il conviendrait également de préciser ses droits et ses obligations ».

Une proposition de loi du 13 avril 2018 (n° 876) de députés LR et UDI allait même plus loin, souhaitant la mise à disposition d’une carte spécifique, l’inscription dans l’ordre protocolaire en cas d’absence du député lors de cérémonies officielles, la mise en place d’une formation et « la possibilité donnée de remplacer le député – sans droit de vote – aux réunions des différentes organes – notamment les commissions – auxquels appartient le député à l’Assemblée » ! 

Congés maladie et maternité (une étude comparative concernant les législations en Europe avait été établie en 2019 par la division de la législation comparée du Sénat saisie par la commission des lois).

S’il n’existe pas de législation spécifique en Allemagne, Italie et au Royaume-Uni, en revanche l’Espagne avait prévu depuis 2011, le vote à distance.

En Suède, Norvège, Danemark et Pays-Bas, le « suivant de liste » peut suppléer à titre intérimaire, le parlementaire lors de congés maladie ou congés de maternité. 

Les 57 députés-remplaçants de la XVe législature rémunérés au titre d’assistant parlementaire !

Source : Fiches des députés – site public de l’Assemblée nationale (PDF).

Dans les réponses ministérielles relatives aux indemnités éventuelles ou remboursements de frais des députés-remplaçants, les ministres ont toujours réaffirmé la gratuité de l’engagement de la personne qui, bien qu’élue en même temps que lui, n’est pas pour autant député ; le bénévolat républicain demeure toujours un paravent de vertu qui peut cacher des détours habiles et insoupçonnés que lois et règlements n’interdisent pas. 

Les frais de déplacements et de représentation supportés par les députés-remplaçants ont été de nombreuses fois évoqués. Le groupe de travail de la Conférence des réformes pour une Nouvelle Assemblée nationale avait rappelé que « l’arrêté du Bureau n° 12/XV du 29 novembre 2017 relatif à la prise en charge des frais de mandat a explicitement reconnu le rôle du suppléant en prévoyant la prise en charge des frais de déplacement et de restauration qu’il expose pour représenter le député en son absence ».

Frais de mandat imputables sur l’avance mensuelle de frais de mandat sans que l’on sache s’il s’agit d’un dispositif strictement local (circonscription), élargi au département ou la région, voire même à une représentation parisienne liée à l’exercice du mandat parlementaire ou à l’activité politique du député. 

…/ – Tout autre frais de transport lié à l’exercice du mandat du député, les frais de déplacement de ses collaborateurs salariés ou bénévoles, de ses stagiaires ou du suppléant du député lorsqu’il représente celui-ci, pour des activités liées à l’exercice du mandat parlementaire ou à l’activité politique du député. …/

– Les frais d’hôtel et de location temporaire et de repas occasionnés par un déplacement effectué dans le cadre du mandat du député, par ses collaborateurs salariés ou bénévoles, ses stagiaires ou le suppléant du député lorsqu’il représente celui-ci. 

Si cette avancée significative va dans le sens d’une meilleure reconnaissance de l’implication locale, faudrait-il que l’Assemblée nationale fournisse plus de précisions sur ce que cette part représente dans les charges globales des remboursements de frais de mandat des députés ; le rapport de 2019 de la déontologue n’apportait aucune information et l’absence de rapport depuis cette date ne renforce pas la transparence souhaitée pourtant par la loi pour la confiance dans la vie politique

Mais un autre versant de la rémunération pour représentation du député et collaboration à l‘exercice de son mandat est apparu au cours de cette législature et a priori un processus très rarement utilisé dans les deux législatures précédentes : la rémunération directe du député-remplaçant par un contrat CDI ou CDD d’assistant parlementaire partagé avec d’autres collaborateurs dans l’enveloppe budgétaire affectée à cet effet. 

En clair, en « inspectant » les fiches individuelles de chaque député sur le site de l’Assemblée nationale en janvier 2021, on trouve cinquante sept députés qui rémunèrent en tant qu’employeurs, leurs « suppléants », salariés de fait de celui ou celle qu’il peuvent remplacerPar ailleurs, douze d’entre eux sont aussi élus locaux et rémunérés à ce titre : quatre conseillers départementaux, six maires et deux à la fois conseiller départemental et maire ! 

Parmi ces cinquante-sept députés (le dixième de l’Assemblée !)… le président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, un vice-président, Marc Le Fur… Voir la base de données jointe (PDF).

Si rien n’interdit ce mode opératoire, beaucoup de questions interpellent, particulièrement l’une d’entre elles : la déclaration de remplaçant – et son apport bénéfique en logistique électorale – lors de la déclaration de candidature ne peut-elle pas faire l’objet d’une contrepartie d’échange contre un emploi salarié sur fonds publics ?

À d’autres questions qui peuvent semer le doute, vaudrait mieux, pour éviter tout soupçon de conflit d’intérêt ou de favoritisme, interdire à l’avenir purement et simplement ce type de recours, même si certains sont très certainement de bonne foi. 

État des lieux des remplaçants en janvier 2021 à l’Assemblée nationale

Depuis le début de la législature, soixante et un remplaçants ont été appelés à occuper le siège laissé vacant par le titulaire (base de données de l’Observatoire de la vie politique et parlementaire – Source : site officiel de l’Assemblée Nationale (PDF)).

Le remplacement des députés devenus ministres

Vingt-sept circonscriptions sont concernées mais pour sept d’entre elles, les ministres sont redevenus députés :

  • Christophe Castaner (Alpes-de-Haute-Provence), Christelle Dubos (Gironde), François de Rugy (Loire-Atlantique), Stéphane Travert (Manche), Benjamin Grivaux et Mounir Mahjoubi (Paris), Brune Poirson (Vaucluse).

Parmi les vingt autres, celles de dix-huit membres du Gouvernement :

  • Joêl Giraud, (Hautes-Alpes), Olivier Dussopt (Ardèche), Bruno Lemaire (Eure), Olivier Veran (Isère), Geneviève Darrieussecq (Landes), Marc Fesneau (Loir-et-Cher), Sarah El Haïry (Loire-Atlantique), Bérangère Abba (Haute-Marne), Laurent Pietraszewski (Nord), Olivia Grégoire (Paris), Franck Riester (Seine-et-Marne), Barbara Pompili (Somme), Jean-Baptiste Djebbari (Haute-Vienne), Amélie de Montchalin (Essonne), Adrien Taquet et Gabriel Attal (Hauts-de-Seine), Nathalie Elimas (Val d’Oise), Annick Girardin (Saint-Pierre-et-Miquelon).

– une circonscription qui a fait l’objet d’une élection législative partielle : Nadia Haï (Yvelines).

une circonscription en attente d’élection législative partielle : Brigitte Bourguignon (Pas-de-Calais).

Le remplacement de cinq députés décédés
  • François André (Ille-et-Vilaine), Claude Goasguen et Marielle de Sarnez (Paris), Jean-François Cesarini (Vaucluse), Patricia Gallerneau (Vendée).
Le remplacement d’un député élu aux élections européennes en juin 2019
  • Gilbert Collard (Gard).
Le remplacement de trois députés élus au Sénat en septembre 2020
  • Valérie Boyer (Bouches-du-Rhône), Stéphane Demilly (Somme), Philippe Foliot (Tarn).
Le remplacement d’un parlementaire en mission
  • Jacques Savatier (Vienne).
Le remplacement de dix-huit députés ayant opté pour une fonction exécutive locale

Un depuis en janvier 2021 :

  • Laure de La Raudière (adj Saint-Denis-des-Puits – Eure-et-Loir).

Douze en juin et juillet 2020 :

  • Sébastien Leclerc (Lisieux – Calvados), Gilles Lurton (Saint-Malo – Ille-et-Vilaine), Francis Vercamer (Hem – Nord), Joaquim Pueyo (Alençon – Orne), Daniel Fasquelle (Le Touquet – Pas-de-Calais), Louis Aliot (Perpignan – Pyrénées-Atlantiques), Laurent Furst (Molsheim – Haut-Rhin), Patrice Verchère (Cours – Rhône), Valérie Lacroute (Nemours – Seine-et-Marne), Jean-Louis Masson (La Garde – Var), Luc Carvounas (Alfortville – Val-de-Marne), Erika Bareigts ( Saint-Denis La Réunion).

Cinq de 2017 à 2020 :

  • Maurice Leroy (Vp Cg de Loir-et-Cher), Stéphane Le Foll (Le Mans Sarthe), Yves Jego ( adj Montereau-Fault-Yonne Seine-et-Marne), Jacques Bompard (Orange – Vaucluse), Bruno Nestor-Azérot ( Sainte-Marie – Martinique).
Législatives partielles provoquées par la situation personnelle des remplaçants en septembre 2020

Une dans le Val-de-Marne (Alfortville-Vitry) suite à la démission de la remplaçante de Luc Carvounas, privilégiant son cursus d’élève de l’ENA.

Trois, suite à la démission du député et du refus du remplaçant de siéger à sa place pour privilégier une fonction exécutive locale :

  • Christophe Bouillon (Seine-Maritime), Jean-Charles Taugourdeau (Maine-et-Loire), Huguette Bello (la Réunion).

Une suite à la démission du député et la nomination au Gouvernement de sa remplaçante :

  • Eric Straumann (Haut-Rhin).

Une, suite à la démission de la députée, dès sa nomination de ministre, pour que le remplaçant (mis en examen) ne lui succède pas :

Nadia Haï (Yvelines).

Une (en attente de date de convocation des électeurs ou à défaut, d’ici mai 2021, siège déclaré vacant) suite à la démission de la députée nommée au Gouvernement et du refus du remplaçant de siéger à sa place pour privilégier une fonction exécutive locale :

Brigitte Bourguignon (Pas-de-Calais)

Législatives partielles provoquées pour incompatibilité ou « raisons personnelles » des titulaires

En 2018, démission pour abandon de la vie politique nationale :

  • Manuel Valls (Essonne).

En 2021, démission pour incompatibilité (en attente de date de convocation des électeurs ou à défaut, d’ici mai 2021, siège déclaré vacant) :

  • George Pau-Langevin (Paris) nommée adjointe au Défenseur des Droits.
Une parité titulaire/remplaçant pas toujours respectée

102 circonscriptions ont un binôme de genre identique ; la parité homme/femme n’est pas exigée lors des déclarations de candidature…

Quelques anciens parlementaires toujours présents

Quatorze anciens députés :

• Lionnel Luca (Alpes-Maritimes), Jean-Claude Mathis (Aube), Gaby Charroux (Bouches-du-Rhône), Alain Marleix (Cantal), Patrice-Martin-Lalande (Loir-et-Cher), Laurent Wauquiez (Rhône), Marc Goua (Maine-et-Loire), Arnaud Robinet (Marne), Laurent Degallaix et Alain Bocquet (Pas-de-Calais), Edouard Courtial et Lucien Degauchy (Oise), Damien Meslot (Territoire-de-Belfort), François Asensi (Seine-Saint-Denis).

Un député sortant démissionnaire qui revient comme remplaçant élu :

• Jean-Charles Taugourdeau (Maine-et-Loire).

Pour mémoire, entre janvier et novembre 2018, huit législatives partielles ont eu lieu suite à des annulations par le Conseil constitutionnel et une démission d’office prononcée par le même Conseil ; six députés élus en 2017 ont été réélus et trois circonscriptions ont changé de titulaire : première du Val d’Oise, septième de la Réunion, Wallis-et-Futuna. 

Au 16 février 2021, quarante-trois circonscriptions n’ont pas de remplaçants dont seize anciennement occupées par des députés devenus ministres ; deux autres sont en attente d’élections législatives partielles.

Une quarante-quatrième circonscription s’ajouterait au printemps : l’ancien maire de Sevrier, Jacques Rey remplacerait Frédérique Lardet première adjointe au nouveau maire écologiste d’Annecy et présidente du Grand Annecy ; la députée de la deuxième circonscription de Haute-Savoie a confirmé le 11 février 2021 sa prochaine démission de l’Assemblée nationale, après la confirmation par le Tribunal administratif d’Annecy des résultats des élections municipales ; prudente, la députée attend néanmoins la date butoir (4 avril) du délai de recours possible de l’ancien maire devant le Conseil d’Etat.

Des tours de passe-passe discrets mais efficaces

Cet état des lieux ne doit pas cacher l’envers du décor ou ce qui se passe derrière le miroir car chaque situation correspond à une mécanique bien huilée depuis des dizaines d’années et ce que l’on croit très régulier relève parfois de la mise en scène. 

Les élections municipales de 2020 et l’effet de la loi sur le non cumul des fonctions exécutives a entrainé chez les remplaçants une fronde ; le nombre d’élections partielles aurait même pu être pire en comptant quatre, voire cinq rebellions que les députés démissionnaires ont du négocier pour éviter un retour aux urnes ; des négociations sans doute pas anodines dans la perspectives d’autres scrutins. 

Deux tours de passe-passe parmi d’autres, ces six dernières années

Toute la famille Le Vern au Parlement !

En 2009, le sénateur et président du conseil régional de Haute-Normandie, Alain Le Vern épouse la députée Sandrine Hurel (ancienne sénatrice de 2004 à 2007) élue en juin 2007 ; en 2012, Sandrine Hurel prend comme remplaçante Marie Le Vern, fille d’Alain Le Vern et conduit une mission de six mois sur la politique vaccinale ; sa mission est reconduite en août 2015 et en conséquence sa belle-fille devient députée… 

Dassault « système »

En 2015, la nouvelle loi électorale « binominale » pour les élections départementales s’applique avec pour chaque candidat un suppléant. Serge Dassault devient suppléant du titulaire Jean-Pierre Bechter élu en mars ; en septembre de la même année, Jean-Pierre Bechter démissionne et… Serge Dassault, à 90 ans, peut de nouveau siéger au conseil départemental de l’Essonne. 

Ce non cumul des fonctions exécutives permet depuis juin 2017 des détours de confort

Le recours, durant l’exercice du mandat législatif, à une élection discrète à une fonction exécutive municipale ou départementale permet aussi de se déporter plus facilement pour démissionner ensuite sans risque d’élections partielles ; le but étant généralement d’aspirer à d’autres univers professionnels ; Yves Jego ou Maurice Leroy l’avaient bien compris ; tout récemment – le 22 décembre 2020 – Laure de La Raudière, ancienne maire de Saint-Denis-des-Puits en Eure-et-Loir avant 2017, s’est fait élire adjointe au mairece qui lui permet de démissionner pour cumul de fonction exécutive locale… et éviter une élection législative partielle à l’occasion de sa nomination, dans la foulée, à la présidence d’une autorité administrative indépendante ( l’ARCEP). Au fond, ce chemin de traverse est aussi condamnable que celui emprunté par le député du Vaucluse, en début de législature pour retrouver la mairie d’Orange sans perdre l’avantage du siège législatif transmis à sa remplaçante !  

– Néanmoins d’autres démissions du même type ont été prises sous la motivation d’un réel désir de retourner à la gestion municipale tout en évitant des partielles et leurs dangers : Bruno Nestor-Azérot ou Stéphane Le Foll.

– D’autres tours de passe-passe ont lieu généralement au niveau des renouvellements des parlementaires en mission au-delà de six mois. Pour l’heure un seul député de la XVe législature a bénéficié de cette démission sans risque, au profit du remplaçant et sans pour cela accéder à une présidence d’établissement public ou d’autorité administrative indépendante.

Ce ne fut pas toujours le cas sous la Ve République ; ce fut même à une certaine époque un sport favori à droite : Pierre Cardo nommé ensuite président de l’ARAF, Pierre Bédier et Didier Robert ; à gauche, François Brottes accéda à la présidence de RTE par ce truchement pour éviter une élection partielle… 

Les parlementaires « missionnaires » très spéciaux de Nicolas Sarkozy et François Mitterrand 

Sous couverture d’un décret du Gouvernement chargeant un député d’une mission temporaire, certains parlementaires ont reçu directement du Président de la République une « lettre de mission » ; leurs pouvoirs sont larges jusqu’à présider des commissions ou porter le titre de « représentant de la France » dans des négociations internationales ! Et ils demeurent en titre et en droit sénateur ou député, leurs suppléants ne servant que de « garde-place » dans le département ou la circonscription comme disait l’ancien vice-président du Sénat, Etienne Dailly. L’ancien Président de la République, Nicolas Sarkozy avait usé abondamment de ce type de missions « ouvertes» à la société civile mais aussi aux parlementaires. 

– Ainsi Gérard Larcher, ayant retrouvé son siège de sénateur, le 1er octobre 2007, reçoit aussitôt, le 12 octobre, une lettre de mission pour organiser « une concertation sur les missions de l’hôpital » et présider la commission créée à cet effet ; hormis un « état des lieux » à remettre en novembre 2007, aucune date butoir de la mission n’est stipulée ; mais le sénateur remettra son rapport le 11 avril 2008, six mois après le décret de nomination en date du 15 octobre 2007. 

– Le 27 février 2008, nouvelle « lettre de mission », cette fois à Jean-François Copé et autre présidence d’une commission… pour la Nouvelle Télévision Publique ; une date de remise de conclusions est fixée à trois mois, « avant le 31 mai 2008 ».

Le 31 mars 2008, c’est au tour de Pierre Lellouche qui vient d’être battu aux municipales à Paris – en voulant changer d’arrondissement – de recevoir une mission du Président de la République « concernant les relations franco-turques » ; le Président est contre l’adhésion de la Turquie à l’UE, le Premier Ministre, dubitatif et Pierre Lellouche… fervent partisan de l‘adhésion ! Durant les multiples voyages si nécessaires pour une telle mission, Jean Legaret s’occupera de la circonscription hors les murs de l’Assemblée.

Le 3 mars 2009, un an à peine après cette mission, le Président de la République élève, par « lettre de mission » Pierre Lellouche au rang de « représentant spécial de la France » pour l’Afghanistan et le Pakistan, une charge quasi diplomatique parallèle ; le décret de parlementaire en mission date du 10 mars mais pas besoin de renouvellement au bout de six mois car… le 21 juillet, c’est la consécration attendue pour Pierre Lellouche nommé au Gouvernement et qui y restera jusqu’à la fin de la législature ; Jean Legaret devient remplaçant temporaire et peut s’approprier, cette fois, les insignes de la fonction.

– Il faut un « remplaçant » à Pierre Lellouche ; Nicolas Sarkozy choisit encore un député, Thierry Mariani, pour exercer la fonction de « représentant spécial de la France » – décret du 29 juillet ; fin de représentation… « décembre 2009 » est-il écrit, cette fois, dans la « lettre de mission » du Président en date du 21 juillet. Thierry Mariani entre au Gouvernement le 14 novembre 2010 et est remplacé par Paul Durieu.

François Mitterrand avait agi de même avec deux députés et un sénateur :

– Christian Nucci devient Haut Commissaire en Nouvelle-Calédonie ; sa mission de six mois actée par le décret du 19 décembre 1981 est renouvelée le 15 juin 1982 ; René Bourget le remplace à l’Assemblée nationale.

– Pierre Guidoni accède au rang d’ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire lors d’une mission de janvier 1983, renouvelée le 26 juillet 1983 ; Régis Barailla le remplace à l’Assemblée nationale.

– Edgar Faure, sénateur, avait succédé à Michel Baroin, décédé, à la présidence de la Mission pour le bicentenaire de la Révolution française (décret du 5 mars 1987) ; le 6 septembre 1987, personne ne fait attention à ce que le président Edgar Faure est toujours à la tête de cette mission ! Il y restera jusqu’à sa mort, le 30 mars 1988. 

L’exception Edgar Faure ! Qui contrôle le dépassement abusif des « six mois » ?

Le Président Edgar Faure, sénateur, avait donc dépassé, au-delà du 4 septembre 1987 la durée légale d’une mission temporaire qui lui avait été confiée et en principe faisait l’objet d’une incompatibilité. Une situation un peu ubuesque comme Edgar Faure finalement s’en amusait. Si aucun décret de prolongation n’avait été pris, personne n’avait constaté pour autant que sa situation relevait d’une incompatibilité patente. Edgar Faure attendait ; un électeur du Doubs saisit le Conseil constitutionnel lui « demandant de constater qu’il y a lieu de faire application des articles LO 144, LO 176 et LO 297 du code électoral en ce qui concerne l’exercice d’une mission temporaire de plus de six mois confiée, en vertu d’un décret du 5 mars 1987, à M le président Edgar Faure, sénateur du Doubs » ; bien embarrassé, le Conseil répondit à l’intéressé « qu’en agissant en qualité d’électeur… sa requête n’est pas recevable ».

En revanche le Conseil se livre à une démonstration alambiquée pour démontrer qu’il aurait pu être saisi mais d’une autre manière et certainement pas par un électeur. Mais il n’a pas été saisi et s’en est trouvé très certainement fort aise.

Suivons donc le « considérant » du Conseil constitutionnel : « …qu’en ce qui concerne les questions de compatibilité des fonctions ou activités d’un parlementaire avec l’exercice de son mandat, il appartient tout d’abord au bureau de l’assemblée dont il est membre d’examiner si ces fonctions ou activités sont compatibles avec l’exercice du mandat ; que, par suite, le Conseil constitutionnel ne peut être appelé à apprécier si l’intéressé se trouve dans un cas d’incompatibilité qu’après cet examen et seulement si le bureau a exprimé un doute à ce sujet, ou si la position qu’il a prise fait l’objet d’une contestation, soit par le garde des sceaux, ministre de la justice, soit par le parlementaire lui-même ; que la faculté de saisir le Conseil constitutionnel du point de savoir si un parlementaire tombe sous le coup d’une incompatibilité n’est ouverte à aucune autre personne ou autorité ».

À peu de chose près, ce que disait Edgar Faure dans ses observations en défense concluant « au rejet de la requête, à titre principal, comme ne ressortissant pas à la compétence du Conseil constitutionnel » ! 

La réponse du Conseil en 1987 serait-elle la même aujourd’hui ? Pas certain… mais le mode opératoire des fins de première mission est sans doute à revoir ; comme celui des missions en « cdd », espacées de quelques semaines pour éviter le couperet du décret de prolongation. 

– Une autre manoeuvre sans grand risque consiste à passer d’une assemblée à une autre et si l’élection est confirmée la poursuivre en revenant dans la « chambre de secours » à la recherche d’une fonction exécutive locale, même modeste, ne serait-ce que pour démissionner et assurer ainsi son remplacement dans chaque assemblée. Dans les années 1970, un ministre de Jacques Chaban-Delmas, Jean Bailly, avait défrayé la chronique pour avoir placé son suppléant à l’Assemblée nationale jusqu’en 1973 puis son autre suppléant au Sénat de 1971 à 1972…

– Au nom du « renouvellement » il y a l’astuce pour un député sortant ne se représentant pas de promouvoir un jeune talent et de lui proposer de devenir humblement son remplaçant ; le « talent » ayant vocation à devenir un personnage important au niveau national, ministre en conséquence, l’opération est gagnante pour l’ancien député : exemple… en juin 2007, le jeune Benoist Apparu, adjoint au maire de Châlons-en-Champagne prend comme remplaçant, le député-maire sortant, Bruno Bourg-Broc qui, une fois son député-adjoint au maire nommé ministre le 23 juin 2009, peut siéger de nouveau à l’Assemblée nationale (et conserver – à l‘époque – sa mairie). 

De l’indépendance à l’indiscipline et l’infidélité des remplaçants

S’il est « élu en même temps » que le député, le remplaçant conserve une liberté d’opinion qui caractérise particulièrement son indépendance ; néanmoins le remplaçant ne peut pas démissionner tant qu’il n’est pas lui-même à la place du député ; le Conseil constitutionnel l’a rappelé, en 2012 à l’occasion d’une décision d’annulation des élections de Patrick Devedjian et Henri Plagnol (qui avaient pris comme remplaçants des remplaçants de sénateurs, dispositif interdit par l’article LO 134 du code électoral ) : « …Considérant que la qualité de remplaçant d’un parlementaire ne confère pas à ce remplaçant une fonction dont il pourrait se démettre ; qu’aucun texte ne lui permet de renoncer, par avance, à exercer son mandat dans l’hypothèse où le siège deviendrait vacant ».

« Il ne peut être renoncé par avance à l’exercice d’un mandat »

Le Conseil constitutionnel était incidemment appelé, dans le contentieux électoral concernant M. Devedjian, à se prononcer sur l’effet de la démission du remplaçant de la liste des élections sénatoriales.

Le juge électoral considère cette circonstance comme sans aucune incidence sur l’application de l’article LO 134, au motif qu’il ne peut pas être renoncé par avance à l’exercice d’un mandat, la qualité de remplaçant du parlementaire ne constituant pas pour ce dernier une fonction dont il pourrait se démettre.

Le ministre de l’intérieur avait émis une opinion identique lorsque, interrogé par un député à ce sujet, il avait rappelé que la personne désignée en qualité de suppléant n’était appelée à remplacer le parlementaire que sous une condition suspensive et aléatoire, et ne détenait aucun mandat ni fonction ni pouvoir électoral. Aussi, constatant qu’une démission ne peut concerner qu’un mandat ou une fonction effective, le ministre avait rejeté la possibilité de démissionner par avance de ses fonctions (Rep. Min. QE 44 870, JOAN 9 décembre 1996, p. 6481).

Le remplaçant ne peut également se présenter contre un ministre dont il a été le remplaçant

Prenons un exemple concret sous la présente législature dans la perspective de 2022.

L’ancien ministre Christophe Castaner est retourné à l‘Assemblée nationale ; sa remplaçante, Emmanuelle Fontaine-Domeizel a, depuis son retour, manifesté son hostilité à l’égard du parti majoritaire et l’a même quitté en reprenant, particulièrement au conseil départemental des Alpes-de-Haute-Provence, son ancienne nuance politique, « divers gauche ». Considérant qu’il y a peu de chance pour qu’elle revienne vers la majorité présidentielle, elle ne pourrait se présenter contre Christophe Castaner… L’article LO 135 du code électoral le lui interdit : « …quiconque a été appelé à remplacer dans les conditions prévues à l’article LO 176, un député nommé membre du Gouvernement ne peut, lors de l’élection suivante, faire acte de candidature contre lui ».

Autre cas sensible, celui de Michèle Victory qui, en 2022, ne pourrait se présenter contre le ministre Olivier Dussopt ; ce dernier, élu socialiste en 2017 a rejoint la majorité présidentielle mais sa remplaçante s’est inscrite au groupe socialiste !

Mais ces remplaçants auraient-ils le droit d’être remplaçants d’autres candidats se présentant face à ces anciens ministres ? 

La fronde peut gagner aussi les remplaçants

L’ancien Premier Ministre, Jean-Marc Ayrault, manifesta son mécontentement, en octobre 2012 aux ministres dont les remplaçants manifestaient leur indépendance à propos du Traité européen mais aussi exprimaient ouvertement leur hostilité, voire l’intention d’un vote négatif ; Jean-Philippe Mallé (Benoït Hamon), Jérôme Guedj (François Lamy) et Fanélie Carrey-Conte (George Pau-Langevin) ont battu en retraite ; les mêmes qui plus tard firent partie des « frondeurs » ! 

Le souffle de l‘indépendance a gagné l’actuelle majorité parlementaire : fait rarissime sous la Ve République, une association, l’ASPAN, (Association des suppléants progressistes de l’Assemblée nationale, présidée par Thierry Sessin Caracci, le remplaçant de Marie Lebec) s’est même créée pour revendiquer un statut pour les remplaçants. 

« C’est très intéressant sauf que nous avons un rôle bâtard. Parfois, des maires nous ignorent, ne veulent même pas que je dépose une gerbe et, souvent, on ne sait pas où nous mettre dans le protocole », dit une remplaçante. 

L’indiscipline a connu son heure de gloire en 1969… jusqu’à l’humiliation !

– Au lendemain des élections législatives de 1968, Raymond Bousquet, ambassadeur de France, élu en 1967 député dans la sixième circonscription de Paris, redevient député mais cette fois comme remplaçant du nouveau Premier Ministre. Après le « Non » au référendum du 27 avril 1969 et la démission du général de Gaulle, Raymond Bousquet dit à son tour « non » à Maurice Couve-de-Murville qui veut retrouver son siège de député ; il persiste et signe au point de rechercher un point de chute pour l’ancien Premier Ministre ; un député gaulliste, compagnon de la Libération, Pierre Clostermann, se sacrifie, démissionne et laisse Maurice Couve-de-Murville se débattre dans la 6e circonscription des Yvelines, celle de Parly II… L’adversaire n’est pas un inconnu : Michel Rocard est élu avec les voix des cadres supérieurs de Parly II.

– Un autre Premier Ministre a été contraint à des élections partielles mais dans d’autres circonstances ; l’une d’entre elles n’en fut pas moins chahutée. Le remplaçant de Jacques Chaban-Delmas, Jacques Chabrat décède et contraint le Premier Ministre à une élection partielle le 20 septembre 1970 ; son adversaire, le « député de Lorraine », Jean-Jacques Servan-Schreiber qui veut contester sur les terres du Premier Ministre, la politique gouvernementale, échoue.  

Remplacer un membre du Gouvernement puis quitter l’hémicycle une fois le retour du ministre à l’Assemblée génère un profond malaise chez certains : « c’est un peu frustrant, vingt mois c’est court. On a l’impression de ne jamais finir une mission. Mais c’est le jeu du suppléant » convient en juillet 2020 Pascal Lavergne, remplaçant de Christelle Dubos.

D’autres remplaçants franchissent le Rubicon et quittent le parti majoritaire ; les insatisfactions pour les investitures aux élections municipales de l’année dernière ont encouragé la fronde. Dominique Sassoon, remplaçant de la députée Anne-Laurence Petel n’a pas hésité à constituer une liste à Aix-en-Provence, aux municipales de 2020, contre la liste conduite par la députée ! 

D’autres demeurent plus fidèles au parti mais en opposition avec le député titulaire ; telle est la situation dans la 5e circonscription du Gard : le député Olivier Gaillard qui avait annoncé à grands cris en février 2020 qu’il démissionnait de l‘Assemblée nationale après avoir d’ailleurs quitté le groupe Rem quelques temps avant ; en octobre 2020 après l’annulation des élections municipales à Sauve où il venait d’être élu maire, Olivier Gaillard confirmait encore à la presse régionale qu’il démissionnait en décembre ! Olivier Gaillard est toujours député… et sa remplaçante, la proviseure Cathy Roux-Daufès, comptait bien le remplacer et s’inscrire, en revanche, au groupe majoritaire !

Enfin, il y a les ambiguïtés suscitées par les députés en fonction (et les promesses qu’ils peuvent faire à d’autres prétendants !) au point qu’un remplaçant légitime (Patrick Loiseau) s’est vu contesté son accession au siège de Patricia Gallerneau (décédée) par un tiers, devant le Conseil constitutionnel… qui a rappelé que « ne s’agissant pas d’une contestation sur la régularité de l’élection d’un membre du Parlement… le Conseil n’a pas compétence pour en connaître ».

Lors des élections municipales 2020, trois remplaçants ont tenu tête aux députés titulaires, ne voulant en aucune façon démissionner de leur fonction de maire pour devenir député… quitte à provoquer trois élections législatives partielles (La Réunion, Maine-et-Loire, Seine-Maritime) ; un seul remplaçant/maire a consenti à sacrifier sa fonction exécutive (Ille-et-Vilaine). 

Outre le cas admissible de la remplaçante d’Olivier Dussopt – élu PS en 2017 mais rallié à la majorité présidentielle en devenant ministre – qui rejoint le groupe socialiste, une remplaçante d’un député apparenté « Rem » décédé (Ille-et-Vilaine) rompt avec le « pacte » de 2017 et adhère au groupe socialiste. 

Cela interpelle sur l’engagement politique et moral du binôme. En février 2021, trente-neuf députés ont quitté le groupe Rem auquel ils avaient adhéré en 2017. Mais peut-on en déduire que les députés-remplaçants, « élus en même temps qu’eux » aient partagé leur choix ? Certains n’ont même pas été consultés ; d’autres sont tenus à l’écart dans la circonscription et pour un petit nombre, un handicap lors des élections municipales et les élections départementales et régionales à venir. 

Un isolement du aussi à l’absence de fonctions exécutives locales

C’est la première fois en 2017, que les remplaçants, désignés par les partis ou choisis par les candidats députés se trouvent en situation « hors sol » c’est-à-dire sans mandat territorial ou un maigre mandat de conseiller d’opposition et surtout sans fonction exécutive locale.

Le reproche fait à l’ensemble de la majorité parlementaire actuelle doit être dupliqué par le même reproche fait à l’ensemble des remplaçants. 

Quatre-vingt-dix-sept remplaçants ont une fonction exécutive : 94 maires, un président de conseil départemental et un président de conseil régional. 

Mais il faut retenir que les remplaçants-maires ne représentent seulement que 8 % de l’ensemble des remplaçants pour les groupes de la majorité parlementaire Rem/Modem ; 31 % à gauche et 35 % pour les remplaçants de la droite LR/UDI (Voir notre base de données jointe (PDF))

Ceci explique en grande partie le « décrochage » local et l’absence de reconnaissance en légitimité particulièrement dans les circonscriptions non urbaines ; un ancien préfet – à la retraite – avouait ne jamais avoir vu le suppléant de la députée dans la circonscription où il est domicilié dans les Hauts-de-Seine, mais ne connaissait pas davantage le nom de la députée ! 

L’autre mandat de proximité, le conseiller départemental, ne fait pas davantage recette chez les remplaçants : soixante et un seulement dont un président de département et dix-sept qui cumulent avec la fonction de maire. Mais le plus significatif demeure le nombre insignifiant de remplaçants, conseillers départementaux dans les circonscriptions de la majorité présidentielle…dix – avec une conseillère de Paris ! Ils sont trente-sept à droite et douze à gauche. 

Les remplaçants de sénateurs

– À l’occasion des élections sénatoriales de septembre 2020, Sébastien Lecornu, élu sénateur de l’Eure (scrutin proportionnel) et reconduit dans ses fonctions ministérielles a laissé la place à la « suivante de liste », Nicole Duranton, sénatrice LR dans la précédente assemblée et inscrite désormais au groupe du rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants

– Le principe des listes (scrutin proportionnel) autorise certains accommodements (le tourniquet) ; on se rappelle comment le FN et les écologistes, au Parlement européen, avaient rendu « fous » les services législatifs de l’assemblée et la questure en pratiquant les démissions par tranche de manière à permettre à tous leurs candidats de devenir « représentant » à Strasbourg. 

– Dernièrement, la démission organisée du sénateur de la Manche Jean Bizet (préférant devenir conseiller dans un cabinet américain de lobbying) a entraîné l’accession de deux « suivants de liste » qui ont démissionné sur le champ pour permettre à une troisième colistière de devenir, comme convenu préalablement, remplaçante de Jean Bizet ! Il suffit de faire démissionner autant de fois des élus officiels jusqu’à la place du postulant officieux. Ce cas spécifique permet de revenir et de s’interroger sur une décision du Conseil constitutionnel du 7 décembre 2012 à propos de la contestation de l‘élection d’un député qui avait pris comme suppléant celui d’un sénateur, contrairement au dispositif de l’article LO 134 du code électoral : le Conseil constitutionnel avait considéré « que M. Maggi figurait en neuvième position sur une liste de candidats aux élections sénatoriales qui se sont déroulées le 21 septembre 2008 dans le département des Bouches-du-Rhône ; que M. Maggi n’aurait été conduit à remplacer les sénateurs de sa liste qu’après les trois autres remplaçants qui le précédaient sur la liste ; qu’il n’avait pas, au jour de l’élection, la qualité de « remplaçant » d’un sénateur au sens de l’article LO 134 du code électoral ; que, dès lors, il pouvait se présenter comme remplaçant de M. Ferrand, candidat dans la 8e circonscription des Bouches-du-Rhône lors des élections législatives. C’est le même Conseil constitutionnel qui avait invalidé dans sa décision du 18 octobre 2012 les élections des députés Henri Plagnol et Patrick Devedjian : « Considérant que M. Leroy figurait sur une liste de candidats aux élections sénatoriales qui se sont déroulées dans le département du Val-de-Marne le 25 septembre 2011, immédiatement après Mme Catherine Procaccia, candidate proclamée élue ; qu’en application des dispositions de l’article LO 320 du code électoral, M. Leroy avait ainsi la qualité de remplaçant d’un sénateur au sens de l’article LO 134 du même code ; qu’il ne pouvait, par suite, être remplaçant de M. Plagnol, candidat dans la 1re circonscription du Val-de-Marne lors des élections législatives des 10 et 17 juin 2012 ; Considérant que M. Siffredi figurait sur une liste de candidats aux élections sénatoriales qui se sont déroulées dans le département des Hauts-de-Seine le 25 septembre 2011, immédiatement après Mme Isabelle DEBRÉ, candidate proclamée élue ; qu’en application des dispositions de l’article LO 320 du code électoral, M. Siffredi avait ainsi la qualité de remplaçant d’un sénateur au sens de l’article LO 134 du même code… ». 

– Même le dernier de la liste a toute ses chances ! C’est ce qui s’est passé, très légalement, le 1er octobre 2007 pour Gérard Larcher de retour au Sénat – avant le renouvellement de 2008 – grâce à la démission d’Adeline Gousseau, élue juste devant lui en 2004 !

– Rien d’illégitime non plus dans l’Aube (scrutin majoritaire), en septembre dernier, lorsque le sénateur sortant, Philippe Adnot devient sénateur/remplaçant et son assistante parlementaire, Vanina Paoli-Gagin – dès lors ancienne secrétaire générale du groupe des « non inscrits » – sénatrice… 

Le cas des députés élus Présidents de la République

L’article LO 176 du code électoral ne prévoit pas le remplacement d’un député élu Président de la République, sauf à considérer le siège vacant, suite à la proclamation des résultats par le Conseil constitutionnel et donc provoquer une élection législative partielle.

Ce ne fut le cas deux fois seulement sous la Ve République : le 21 septembre 1969 pour pourvoir le siège vacant de Georges Pompidou (élection de Pierre Raynal, son suppléant de 1968 à l’élection présidentielle de juin 1969) ; le 18 juin 1995, après l’élection de Jacques Chirac à la présidence de la République (élection de Jean-Pierre Dupont).

Lors de l’élection de François Mitterrand en 1981, la dissolution immédiate de l’Assemblée permit de pourvoir le siège vacant dans les délais légaux (l’ancien suppléant de François Mitterrand, Bernard Bardin est élu à l’occasion des élections législatives de juin 1981) ; en 2012, pour François Hollande, le changement du calendrier électoral ne créait pas une vacance au-delà des délais légaux (élection de son ancienne suppléante, Sophie Dessus, également à l’occasion des élections législatives de juin 2012).

Le cas des ministres, anciens députés, élus Président de la République ne pose pas de problème de vacance de siège puisque la fonction est déjà exercée par le remplaçant ; l’élection à la présidence de la République n’entraîne pas une vacance du siège de député ; ainsi, après 1974 lors de l’élection du ministre Valéry Giscard d’Estaing, à la Présidence de la République, le député qui le remplaçait déjà depuis 1969, Jean Morellon, continua à siéger jusqu’en mai 1981 ; en 2007, pour Nicolas Sarkozy, le changement du calendrier électoral et les élections législatives, dans la foulée des « présidentielles » – comme en 2002) reconduisent sa remplaçante dans la circonscription de Neuilly, Joëlle Ceccaldi-Raynaud. 

Cette étude ouvre la voie à certaines recommandations de l’Observatoire de la vie politique et parlementaire (si le scrutin majoritaire pour les élections législatives devait être conservé). 

  • Supprimer cette situation nouvelle des suppléants, salariés du député qui peut engendrer des conflits d’intérêt et créer des situations même conflictuelles de hiérarchie entre collaborateurs.
  • Supprimer, pour le député, la possibilité en cours de mandat, à l’exception des échéances de renouvellement d’assemblées municipales, départementales et régionales, de recourir à une fonction exécutive locale.
  • Supprimer le principe de la reconduction pour six mois des missions parlementaires gouvernementales.
  • Supprimer le déport des missions parlementaires vers des nominations à des fonctions de présidences d’instances de consultation ou des emplois assimilables à des fonctions publiques non électives.
  • Clarifier les rapports de représentation et de protocole des députés-remplaçants en circonscription peut-être avec un insigne discret et non ostentatoire qui les identifie.
  • Modifier la loi organique en permettant à deux remplaçants de figurer sur le bulletin de vote ; reconnaître un droit d’expression contradictoire aux « remplaçants élus en même temps » et ouvrant un « droit au non remplacement » ; la liberté au député de choisir lequel des deux remplaçants est appelé à occuper le siège de député, en cas de nomination au Gouvernement. 

Lire l’article publié dans Le Monde.

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